Jeu d'anticipation : un historien britannique sème le trouble...
Les
troupes allemandes prennent d’assaut la Grèce. Les chars de Poutine
écrasent la Lettonie. La France humilie l’armée britannique. Peu
probable, oui....Mais, si l'on s'en tient aux propos d'Angela Merkel, la
déconfiture de l’euro pourrait mettre la paix en danger. L’imagination
d’un historien britannique sème le trouble…
Nous sommes le 29 octobre 2018
et la Grande-Bretagne fait face à ses plus sombres heures. Sur les
champs de bataille d’Europe, nos forces armées ont été humiliées.
Dans
les camps d’emprisonnement improvisés sur le continent, des milliers de
nos jeunes hommes et femmes sont assis tristement, témoins de
l’effondrement de nos ambitions.
Des terrains de tuerie de Belgique
jusqu’aux rues éventrées d’Athènes, un continent continue de saigner.
Et, à l’est, l’ours russe resserre inexorablement sa prise, un ancien
empire émergeant du naufrage du rêve européen.
Hier, à la suite d’un chapelet de
défaites militaires encore jamais égalées dans notre histoire, le
Premier Ministre a remis sa démission. On parle d’un Gouvernement
national mais personne n’illusionne un nouveau Churchill attendant dans
les coulisses.
Dans les rues des banlieues dans toute
la Grande-Bretagne, les vieux comme les béjaunes creusent dans l’air
froid de l’automne des positions défensives. Mais avec un équipement
insuffisant et des munitions inexistantes, la Home Guard durerait difficilement une semaine.
Et
sans cesse, de l’autre côté du Channel, les forces ennemies font leurs
derniers préparatifs pour l’inévitable invasion. D’aucuns parlent de
reddition ; personne n’évoque la victoire. Moins de dix années en
arrière, des millions croyaient encore en une Europe de paix et d’unité.
Comment en est-on arrivé jusque là ?
Lorsque
les futurs historiens se pencheront sur notre humiliation, ils
détermineront certainement le moment-charnière comme étant la dernière
semaine d’octobre 2011.
Largement
oublié aujourd’hui, l’événement majeur en était encore un interminable
sommet européen à Bruxelles, la quatorzième tentative pour "sauver
l’euro" en seulement 20 mois.
En
espérant assurer le soutien allemand d’un plan de secours massif de
1000 milliard d’euros, la Chancelière Angela Merkel offrit à ses
parlementaires un avertissement effrayamment prescient.
"Donc, je le redis : si l’euro s’effondre, l’Europe s’effondre. Cela ne peut arriver."
A l’époque, de nombreux observateurs fanfaronnaient qu’elle était mélodramatique ad absurdum. Mais, sept ans plus tard, personne ne rit.
Ce
que madame Merkel avait saisi, et que beaucoup de dirigeants européens
refusent de reconnaître, était que le Continent était menacé par une
combinaison toxique de spirale déficitaire, une récession économique, un
anarchisme montant et une insinuante chute de confiance en le
capitalisme en soi.
Cette
semaine-là, même la cathédrale Saint-Paul à Londres, dont la survie fut
un symbole mémorable de la défiance britannique durant la dernière
guerre européenne, fut abattue par les protestataires anticapitalistes.
A
ce moment, cela semblait être un incident insignifiant et même trivial.
Mais ce n’était qu’un avant-goût de ce qui allait advenir.
Aux
environs de février 2012, il était terriblement clair que le dernier
plan de la zone euro fût un échec. En Grèce, les protestations contre
les mesures d’austérité du gouvernement s’étaient muées en batailles
acharnées quotidiennes, alors que la majeure partie de l’Europe
occidentale avait sombré à nouveau dans la récession.
Un
mois plus tard, après qu’une foule en colère eût envahi le parlement
grec, la Grèce annonça qu’elle se retirait de l’euro. En une nuit
presque, les marchés européens furent touchés les pertes les plus
grandes de toute l’histoire de la finance.
Comme
la loi et l’ordre s’anéantit dans les rues d’Athènes, la France et
l’Allemagne y envoya 5000 "gardiens de la paix" afin de restaurer le
calme. Mais, lorsqu’ils subirent l’attaque de manifestants qui lançaient
des cocktails Molotov, il était clair qu’une action plus drastique dût
être envisagée.
Simultanément, l’effondrement grec projetait des ondes de choc à travers l’Europe.
Avec
les marchés portant leur attention sur l’Italie, et le gouvernement
assiégé de Silvio Berlusconi se battant pour maintenir l’ordre, la
cinquième plus importante économie d’Europe fut soudainement en danger.
A
l’été 2012, de massives manifestations anticapitalistes dans les villes
italiennes majeures se transformèrent en révolte pure et simple. Et,
quand Berlusconi y envoya l’armée pour assurer le maintien de l’ordre,
les premières bombes explosèrent dans les banques de Rome, Milan et
Turin.
L’imagination
d’une génération fut captivée par l’anticapitalisme. Et l’alerte à la
bombe à la Banque d’Angleterre, lorsque toute la City dut être évacuée à
la suite d’admonestations émanant du "Collectif Anti-Rigueur Guy
Fawkes", fut seulement la première d’une longue série.
En
juillet 2012, trois personnes furent tuées par une bombe dans une
banque à Francfort. Un mois plus tard, 15 personnes furent tuées à
Dublin. Et, en septembre, dans des circonstances tragiques qui resteront
à jamais dans les mémoires, 36 personnes furent tuées dans des
explosions dans toute la City de Londres.
A
cette heure-ci, les manifestations et les émeutes étaient en permanence
aux nouvelles du soir. Et, comme l’Allemagne et la France se battaient
pour garder en vie la zone euro, les premiers signes d’un nouvel
autoritarisme perturbant firent leur apparition.
En
Italie, où le gouvernement Berlusconi avait déclaré l’état d’urgence
permanent, certaines villes avaient sombré dans la guerre civile
virtuelle.
Et
lorsque Berlusconi requit formellement l’aide de ses partenaires
européens, le président français Nicolas Sarkozy, qui fut réélu de peu
plus tôt cette année-là, fut trop pressé pour faire jouer ses muscles.
A
la fin de l’année 2012, le nombre des troupes françaises dans les rues
d’Italie du Nord était estimé à 15000, ainsi que 14000 autres "gardiens
de la paix européens" à Athènes et en Thessalonique. Doucement mais
sûrement, le continent glissait vers la confrontation armée.
A l’aune de l’année suivante, une issue paisible à l’implosion de l’Union Européenne semblait de plus en plus improbable.
Le
dernier grand sommet à Bruxelles en mars 2013, tourna au vinaigre,
lorsque de nombreuses nations européennes plus petites refusèrent les
exigences de l’Allemagne pour une austérité fiscale et une intégration
économique plus importantes. Avec une vitesse alarmante, les trames
d’une unité paisible s’effilaient.
Avec
l’économie européenne se dirigeant vers la dépression, les mouvements
nationalistes gagnaient du terrain à travers le continent. Les skinheads
étaient en marche ; dans les cités de Madrid à Budapest, les étrangers
et les immigrés furent les victimes de violentes agressions.
A
un autre moment, les terribles émeutes espagnoles du printemps 2014,
durant lesquelles 63 personnes furent tuées dans une choquante vague
d’incendies et de pillage, auraient monopolisé les gros titres.
Toutefois,
l’attention de beaucoup se portait plus à l’Est. Aucun pays pays
n’avait été plus durement heurté par la crise financière que la petite
Lettonie, qui, en 2014, enregistrait un taux de chômage de plus de 35%.
Et, avec près d’un tiers des citoyens d’origine russe, la frustration
économique tourna vite en confrontation nationaliste.
Le
12 août 2015, après des jours de combats dans les rues de Riga, l’armée
russe passa massivement la frontière. Vladimir Poutine assura au monde
que les Russes étaient venus pour "restaurer l’ordre".
Mais son discours au peuple russe narra une histoire différente.
"La crise européenne est la chance de la Russe,"annonça Poutine. "Les jours d’humiliation sont finis ; notre empire va renaître."
Autrefois,
l’Ouest serait venu en aide à la Lettonie. C’était, après tout, un
membre à la fois de l’Union Européenne et de l’OTAN, quoique le nouvel
isolationnisme américain définît l’adhésion à l’OTAN comme sans valeur
réelle.
Cependant, depuis que les troupes françaises furent projetées en Grèce et en Italie, Paris refusa d’intervenir.
Et
à Londres, le nouveau Premier Ministre, Ed Miliband, assurait à la
nation qu’il n’enverrait jamais de troupes britanniques pour assister "un pays lointain dont on ne connait rien."
A
Moscou, le message était clair. Six mois plus tard les "gardiens de la
paix" russes passèrent la frontière de l’Estonie, et en mars 2016,
l’armée de Poutine occupait la Lituanie, la Biélorussie et la Moldavie.
Quand
Bruxelles se plaignit, le Kremlin fit remarquer que les gardiens de la
paix européens étaient déjà dans les rues d’Athènes, Rome et Madrid.
Pourquoi, demanda Poutine, les règles devraient-elles être différentes à
l’Est ?
Et,
en effet, il marquait un point. Même à Paris, un glissement vers une
répression sans pitié de l’insurrection civile, présentée comme une
mesure provisoire visant à mater la montée du terrorisme
anticapitaliste.
Cet
été là, Sarkozy amenda la Constitution française afin qu’il pût briguer
un troisième mandat, en arguant que la stabilité comptait davantage que
les gentillesses législatives. Maintenant plus que jamais, il semblait
se prendre pour la réincarnation de Napoléon Bonaparte, en nichant
ostensiblement sa main dans son grand manteau de style militaire.
De retour en octobre 2011, il avait dit à David Cameron de "la fermer", clamant que l’Europe en avait "eu assez" des conseils des Britanniques. Dorénavant, il semblait verser dans l’anglophobie pure et simple.
Sarkozy dit à la télévision française en août 2016 que la crise avait été "engendrée à Londres."
Pour
certains journaux britanniques, ces mots étaient la preuve d’une
alliance tacite entre Moscou et Paris nourrie avec le pétrole et
l’argent du gaz russes. Et, maintenant, les ambitions napoléoniennes
semblaient avoir monté à la tête du président français.
Cinq jours avant Noël 2016, Sarkozy annonça à une foule en liesse à Vichy que "tous les membres de l’Union Européenne doivent embrasser notre projet et rejoindre l’euro ou ils en paieront le prix."
En
Grande-Bretagne, ses allégations provoquèrent une tempête
d’indignation. Beaucoup d’initiés indiquèrent que, laissé à lui-même, Ed
Miliband, aurait plus qu’heureux de rejoindre l’euro.
Cependant,
à cet instant, le faible premier ministre était presque complètement
dominé par son Chancelier outrecuidant, Ed Balls, qui insistait sur le
fait que la Grande-Bretagne ne pourrait simplement se permettre de
rejoindre une monnaie franco-allemande manifestement injuste.
Comme
la France accentua la pression, avec les agriculteurs français
incendiant de manière rituelle les importations britanniques à la sortie
des ports du Channel, Miliband craqua, se résignant et fuyant pour
prendre un poste d’enseignant à Harvard.
Dans
une tentative désespérée de revigorer la popularité du Parti
Travailliste, Ed Balls annonça qu’il ouvrait des discussions sur le
retrait de la Grande-Bretagne de l’Union Européenne, même si la France
et l’Allemagne insistaient sur le fait qu’ils feraient barrage à ce "piratage nationaliste hors-la-loi." Mais maintenant les événements du Channel prenaient une tournure sanglante et décisive.
Pendant
des années, la Belgique avait été paralysée par un antagonisme entre
les Flamands néerlandophones et les Wallons francophones.
Depuis
l’été 2010, le pays n’avait même pas bénéficié d’un gouvernement
propre, d’abord dirigé par une coalition intérimaire et, ensuite, à
partir de 2014, par l’Union Européenne elle-même. Mais à l’été 2017 les
affrontements inter-communautés dans le centre de Bruxelles devinrent
terriblement brutaux.
De
Wallonie furent reçus des rapports de néerlandophones battus et
intimidés hors de leurs domiciles. Le 1er août, Sarkozy envoya les
parachutistes français.
"Bruxelles est le cœur véritable de l’Europe," déclara-t-il, "ce qui veut dire que c’est une partie intégrante de la France."
Pour
la Grande-Bretagne, il s’agissait de l’ultime provocation. Tous les
partis s’accordèrent sur le fait que, grâce à la promesse de longue date
de la Grande-Bretagne de défendre l’indépendance belge, nous n’avions
comme autre choix que d’envoyer des gardiens de la paix des nôtres.
Les
événements des quelques mois suivants font peine à lire. Même en 2011,
la Grande-Bretagne ne disposait que de 101.000 soldats réguliers en
comparaison des 123.000 de la France, mais les années de coupes sombres
dans les dépenses avaient eu un impact négatif.
En
2017, les troupes terrestres de la Grande-Bretagne étaient réduites à
seulement 75.000. Et, lorsque le combat éclata entre gardiens de la paix
français et britanniques dans les environs de Gand, personne ne doutait
sérieusement d’une victoire française.
Ainsi,
il en fut un an plus tard que nous nous trouvâmes à notre plus bas
niveau. Assistée par des auxiliaires espagnols et italiens, galvanisée
par les fonds allemands et soutenue par la Russie néo-impérialiste,
l’armée française avait encerclé nos forces expéditionnaires sur l’autre
bord du Channel et les avait réduites en lambeaux.
Les
Américains nous ont abandonnés, alors que chaque semaine apporte son
lot d’émeutes anti-guerre et anticapitalistes dans nos villes. Les
placards se vident progressivement ; le moral de la nation a touché le
fond.
En
Ecosse, les sondages montrent que plus de 70% veulent l’indépendance ;
en Irlande du Nord, les bombes de l’IRA Véritable explosent presque
quotidiennement.
La
semaine dernière, s’adressant à une vaste foule dans Bruxelles occupée
par les Français, Nicolas Sarkozy déclarait qu’il était "temps d’effacer la honte de Waterloo."
"La Grande-Bretagne a toujours fait partie de l’Europe, même s’ils refusaient de le reconnaître," dit-il.
"Il est temps de leur souhaiter la bienvenue dans notre famille, par la force, si nécessaire."
Quelques
résistants parlent de combattre jusqu’au bout. Mais personne ne croit
sérieusement que la Grande-Bretagne peut tenir longtemps.
Le
drapeau national pend déchiré et triste ; nos jours glorieux se sont
envolés. Et, à Bruxelles, nos nouveaux maîtres se préparent à la
victoire.
Même maintenant, le chamboulement dans nos destinées semble incroyable.
Il y a sept ans, le propos d’Angela Merkel sur la menace à l’encontre de la paix semblait non plausible, même absurde.
Quelle tragédie que de ne pas écouter lorsque nous en avons encore l’opportunité.
Auteur : Dominic SANDBROOK
Source : Daily Mail
Traduction pour Theatrum Belli : Robert ENGELMANN
Les
troupes allemandes prennent d’assaut la Grèce. Les chars de Poutine
écrasent la Lettonie. La France humilie l’armée britannique. Peu
probable, oui....Mais, si l'on s'en tient aux propos d'Angela Merkel, la
déconfiture de l’euro pourrait mettre la paix en danger. L’imagination
d’un historien britannique sème le trouble…
Nous sommes le 29 octobre 2018
et la Grande-Bretagne fait face à ses plus sombres heures. Sur les
champs de bataille d’Europe, nos forces armées ont été humiliées.
Dans
les camps d’emprisonnement improvisés sur le continent, des milliers de
nos jeunes hommes et femmes sont assis tristement, témoins de
l’effondrement de nos ambitions.
Des terrains de tuerie de Belgique
jusqu’aux rues éventrées d’Athènes, un continent continue de saigner.
Et, à l’est, l’ours russe resserre inexorablement sa prise, un ancien
empire émergeant du naufrage du rêve européen.
Hier, à la suite d’un chapelet de
défaites militaires encore jamais égalées dans notre histoire, le
Premier Ministre a remis sa démission. On parle d’un Gouvernement
national mais personne n’illusionne un nouveau Churchill attendant dans
les coulisses.
Dans les rues des banlieues dans toute
la Grande-Bretagne, les vieux comme les béjaunes creusent dans l’air
froid de l’automne des positions défensives. Mais avec un équipement
insuffisant et des munitions inexistantes, la Home Guard durerait difficilement une semaine.
Et
sans cesse, de l’autre côté du Channel, les forces ennemies font leurs
derniers préparatifs pour l’inévitable invasion. D’aucuns parlent de
reddition ; personne n’évoque la victoire. Moins de dix années en
arrière, des millions croyaient encore en une Europe de paix et d’unité.
Comment en est-on arrivé jusque là ?
Lorsque
les futurs historiens se pencheront sur notre humiliation, ils
détermineront certainement le moment-charnière comme étant la dernière
semaine d’octobre 2011.
Largement
oublié aujourd’hui, l’événement majeur en était encore un interminable
sommet européen à Bruxelles, la quatorzième tentative pour "sauver
l’euro" en seulement 20 mois.
En
espérant assurer le soutien allemand d’un plan de secours massif de
1000 milliard d’euros, la Chancelière Angela Merkel offrit à ses
parlementaires un avertissement effrayamment prescient.
"Donc, je le redis : si l’euro s’effondre, l’Europe s’effondre. Cela ne peut arriver."
A l’époque, de nombreux observateurs fanfaronnaient qu’elle était mélodramatique ad absurdum. Mais, sept ans plus tard, personne ne rit.
Ce
que madame Merkel avait saisi, et que beaucoup de dirigeants européens
refusent de reconnaître, était que le Continent était menacé par une
combinaison toxique de spirale déficitaire, une récession économique, un
anarchisme montant et une insinuante chute de confiance en le
capitalisme en soi.
Cette
semaine-là, même la cathédrale Saint-Paul à Londres, dont la survie fut
un symbole mémorable de la défiance britannique durant la dernière
guerre européenne, fut abattue par les protestataires anticapitalistes.
A
ce moment, cela semblait être un incident insignifiant et même trivial.
Mais ce n’était qu’un avant-goût de ce qui allait advenir.
Aux
environs de février 2012, il était terriblement clair que le dernier
plan de la zone euro fût un échec. En Grèce, les protestations contre
les mesures d’austérité du gouvernement s’étaient muées en batailles
acharnées quotidiennes, alors que la majeure partie de l’Europe
occidentale avait sombré à nouveau dans la récession.
Un
mois plus tard, après qu’une foule en colère eût envahi le parlement
grec, la Grèce annonça qu’elle se retirait de l’euro. En une nuit
presque, les marchés européens furent touchés les pertes les plus
grandes de toute l’histoire de la finance.
Comme
la loi et l’ordre s’anéantit dans les rues d’Athènes, la France et
l’Allemagne y envoya 5000 "gardiens de la paix" afin de restaurer le
calme. Mais, lorsqu’ils subirent l’attaque de manifestants qui lançaient
des cocktails Molotov, il était clair qu’une action plus drastique dût
être envisagée.
Simultanément, l’effondrement grec projetait des ondes de choc à travers l’Europe.
Avec
les marchés portant leur attention sur l’Italie, et le gouvernement
assiégé de Silvio Berlusconi se battant pour maintenir l’ordre, la
cinquième plus importante économie d’Europe fut soudainement en danger.
A
l’été 2012, de massives manifestations anticapitalistes dans les villes
italiennes majeures se transformèrent en révolte pure et simple. Et,
quand Berlusconi y envoya l’armée pour assurer le maintien de l’ordre,
les premières bombes explosèrent dans les banques de Rome, Milan et
Turin.
L’imagination
d’une génération fut captivée par l’anticapitalisme. Et l’alerte à la
bombe à la Banque d’Angleterre, lorsque toute la City dut être évacuée à
la suite d’admonestations émanant du "Collectif Anti-Rigueur Guy
Fawkes", fut seulement la première d’une longue série.
En
juillet 2012, trois personnes furent tuées par une bombe dans une
banque à Francfort. Un mois plus tard, 15 personnes furent tuées à
Dublin. Et, en septembre, dans des circonstances tragiques qui resteront
à jamais dans les mémoires, 36 personnes furent tuées dans des
explosions dans toute la City de Londres.
A
cette heure-ci, les manifestations et les émeutes étaient en permanence
aux nouvelles du soir. Et, comme l’Allemagne et la France se battaient
pour garder en vie la zone euro, les premiers signes d’un nouvel
autoritarisme perturbant firent leur apparition.
En
Italie, où le gouvernement Berlusconi avait déclaré l’état d’urgence
permanent, certaines villes avaient sombré dans la guerre civile
virtuelle.
Et
lorsque Berlusconi requit formellement l’aide de ses partenaires
européens, le président français Nicolas Sarkozy, qui fut réélu de peu
plus tôt cette année-là, fut trop pressé pour faire jouer ses muscles.
A
la fin de l’année 2012, le nombre des troupes françaises dans les rues
d’Italie du Nord était estimé à 15000, ainsi que 14000 autres "gardiens
de la paix européens" à Athènes et en Thessalonique. Doucement mais
sûrement, le continent glissait vers la confrontation armée.
A l’aune de l’année suivante, une issue paisible à l’implosion de l’Union Européenne semblait de plus en plus improbable.
Le
dernier grand sommet à Bruxelles en mars 2013, tourna au vinaigre,
lorsque de nombreuses nations européennes plus petites refusèrent les
exigences de l’Allemagne pour une austérité fiscale et une intégration
économique plus importantes. Avec une vitesse alarmante, les trames
d’une unité paisible s’effilaient.
Avec
l’économie européenne se dirigeant vers la dépression, les mouvements
nationalistes gagnaient du terrain à travers le continent. Les skinheads
étaient en marche ; dans les cités de Madrid à Budapest, les étrangers
et les immigrés furent les victimes de violentes agressions.
A
un autre moment, les terribles émeutes espagnoles du printemps 2014,
durant lesquelles 63 personnes furent tuées dans une choquante vague
d’incendies et de pillage, auraient monopolisé les gros titres.
Toutefois,
l’attention de beaucoup se portait plus à l’Est. Aucun pays pays
n’avait été plus durement heurté par la crise financière que la petite
Lettonie, qui, en 2014, enregistrait un taux de chômage de plus de 35%.
Et, avec près d’un tiers des citoyens d’origine russe, la frustration
économique tourna vite en confrontation nationaliste.
Le
12 août 2015, après des jours de combats dans les rues de Riga, l’armée
russe passa massivement la frontière. Vladimir Poutine assura au monde
que les Russes étaient venus pour "restaurer l’ordre".
Mais son discours au peuple russe narra une histoire différente.
"La crise européenne est la chance de la Russe,"annonça Poutine. "Les jours d’humiliation sont finis ; notre empire va renaître."
Autrefois,
l’Ouest serait venu en aide à la Lettonie. C’était, après tout, un
membre à la fois de l’Union Européenne et de l’OTAN, quoique le nouvel
isolationnisme américain définît l’adhésion à l’OTAN comme sans valeur
réelle.
Cependant, depuis que les troupes françaises furent projetées en Grèce et en Italie, Paris refusa d’intervenir.
Et
à Londres, le nouveau Premier Ministre, Ed Miliband, assurait à la
nation qu’il n’enverrait jamais de troupes britanniques pour assister "un pays lointain dont on ne connait rien."
A
Moscou, le message était clair. Six mois plus tard les "gardiens de la
paix" russes passèrent la frontière de l’Estonie, et en mars 2016,
l’armée de Poutine occupait la Lituanie, la Biélorussie et la Moldavie.
Quand
Bruxelles se plaignit, le Kremlin fit remarquer que les gardiens de la
paix européens étaient déjà dans les rues d’Athènes, Rome et Madrid.
Pourquoi, demanda Poutine, les règles devraient-elles être différentes à
l’Est ?
Et,
en effet, il marquait un point. Même à Paris, un glissement vers une
répression sans pitié de l’insurrection civile, présentée comme une
mesure provisoire visant à mater la montée du terrorisme
anticapitaliste.
Cet
été là, Sarkozy amenda la Constitution française afin qu’il pût briguer
un troisième mandat, en arguant que la stabilité comptait davantage que
les gentillesses législatives. Maintenant plus que jamais, il semblait
se prendre pour la réincarnation de Napoléon Bonaparte, en nichant
ostensiblement sa main dans son grand manteau de style militaire.
De retour en octobre 2011, il avait dit à David Cameron de "la fermer", clamant que l’Europe en avait "eu assez" des conseils des Britanniques. Dorénavant, il semblait verser dans l’anglophobie pure et simple.
Sarkozy dit à la télévision française en août 2016 que la crise avait été "engendrée à Londres."
Pour
certains journaux britanniques, ces mots étaient la preuve d’une
alliance tacite entre Moscou et Paris nourrie avec le pétrole et
l’argent du gaz russes. Et, maintenant, les ambitions napoléoniennes
semblaient avoir monté à la tête du président français.
Cinq jours avant Noël 2016, Sarkozy annonça à une foule en liesse à Vichy que "tous les membres de l’Union Européenne doivent embrasser notre projet et rejoindre l’euro ou ils en paieront le prix."
En
Grande-Bretagne, ses allégations provoquèrent une tempête
d’indignation. Beaucoup d’initiés indiquèrent que, laissé à lui-même, Ed
Miliband, aurait plus qu’heureux de rejoindre l’euro.
Cependant,
à cet instant, le faible premier ministre était presque complètement
dominé par son Chancelier outrecuidant, Ed Balls, qui insistait sur le
fait que la Grande-Bretagne ne pourrait simplement se permettre de
rejoindre une monnaie franco-allemande manifestement injuste.
Comme
la France accentua la pression, avec les agriculteurs français
incendiant de manière rituelle les importations britanniques à la sortie
des ports du Channel, Miliband craqua, se résignant et fuyant pour
prendre un poste d’enseignant à Harvard.
Dans
une tentative désespérée de revigorer la popularité du Parti
Travailliste, Ed Balls annonça qu’il ouvrait des discussions sur le
retrait de la Grande-Bretagne de l’Union Européenne, même si la France
et l’Allemagne insistaient sur le fait qu’ils feraient barrage à ce "piratage nationaliste hors-la-loi." Mais maintenant les événements du Channel prenaient une tournure sanglante et décisive.
Pendant
des années, la Belgique avait été paralysée par un antagonisme entre
les Flamands néerlandophones et les Wallons francophones.
Depuis
l’été 2010, le pays n’avait même pas bénéficié d’un gouvernement
propre, d’abord dirigé par une coalition intérimaire et, ensuite, à
partir de 2014, par l’Union Européenne elle-même. Mais à l’été 2017 les
affrontements inter-communautés dans le centre de Bruxelles devinrent
terriblement brutaux.
De
Wallonie furent reçus des rapports de néerlandophones battus et
intimidés hors de leurs domiciles. Le 1er août, Sarkozy envoya les
parachutistes français.
"Bruxelles est le cœur véritable de l’Europe," déclara-t-il, "ce qui veut dire que c’est une partie intégrante de la France."
Pour
la Grande-Bretagne, il s’agissait de l’ultime provocation. Tous les
partis s’accordèrent sur le fait que, grâce à la promesse de longue date
de la Grande-Bretagne de défendre l’indépendance belge, nous n’avions
comme autre choix que d’envoyer des gardiens de la paix des nôtres.
Les
événements des quelques mois suivants font peine à lire. Même en 2011,
la Grande-Bretagne ne disposait que de 101.000 soldats réguliers en
comparaison des 123.000 de la France, mais les années de coupes sombres
dans les dépenses avaient eu un impact négatif.
En
2017, les troupes terrestres de la Grande-Bretagne étaient réduites à
seulement 75.000. Et, lorsque le combat éclata entre gardiens de la paix
français et britanniques dans les environs de Gand, personne ne doutait
sérieusement d’une victoire française.
Ainsi,
il en fut un an plus tard que nous nous trouvâmes à notre plus bas
niveau. Assistée par des auxiliaires espagnols et italiens, galvanisée
par les fonds allemands et soutenue par la Russie néo-impérialiste,
l’armée française avait encerclé nos forces expéditionnaires sur l’autre
bord du Channel et les avait réduites en lambeaux.
Les
Américains nous ont abandonnés, alors que chaque semaine apporte son
lot d’émeutes anti-guerre et anticapitalistes dans nos villes. Les
placards se vident progressivement ; le moral de la nation a touché le
fond.
En
Ecosse, les sondages montrent que plus de 70% veulent l’indépendance ;
en Irlande du Nord, les bombes de l’IRA Véritable explosent presque
quotidiennement.
La
semaine dernière, s’adressant à une vaste foule dans Bruxelles occupée
par les Français, Nicolas Sarkozy déclarait qu’il était "temps d’effacer la honte de Waterloo."
"La Grande-Bretagne a toujours fait partie de l’Europe, même s’ils refusaient de le reconnaître," dit-il.
"Il est temps de leur souhaiter la bienvenue dans notre famille, par la force, si nécessaire."
Quelques
résistants parlent de combattre jusqu’au bout. Mais personne ne croit
sérieusement que la Grande-Bretagne peut tenir longtemps.
Le
drapeau national pend déchiré et triste ; nos jours glorieux se sont
envolés. Et, à Bruxelles, nos nouveaux maîtres se préparent à la
victoire.
Même maintenant, le chamboulement dans nos destinées semble incroyable.
Il y a sept ans, le propos d’Angela Merkel sur la menace à l’encontre de la paix semblait non plausible, même absurde.
Quelle tragédie que de ne pas écouter lorsque nous en avons encore l’opportunité.
Auteur : Dominic SANDBROOK
Source : Daily Mail
Traduction pour Theatrum Belli : Robert ENGELMANN