La nana la plus dégueulasse et la plus déjantée de la BD européenne est revenue l'an dernier dans une nouvelle édition toute pimpante. Surf sur le succès de Gorillaz ou réel amour d'un trésor enfoui sous 20 ans d'explosion bédé-iste, l'occasion est en tout cas là pour découvrir celle qu'il ne faut jamais, jamais, jamais faire chier.
J'allais vous parler du dernier plantage musical de Damon Albarn en musique, mais j'ai du boulot sur le feu qui arrive donc je ferais peut être ça plus tard. A la place, parlons de son acolyte Jamie Hewlett. Avant de devenir le graphiste attitré des Gorillaz, le monsieur était avant tout étudiant en pleine explosion punk anglaise à la fin des eighties.
Il fondera Atomtan, un fanzine de comics avec d’autres camarades, puis un magazine, Deadline, qui mixera comics strips, musique et (contre) culture. C'est dans Deadline qu'il publiera en 1988, avec Alan Martin, sa BD Tank Girl, devenue une icône de la BD contre culturelle anglaise, qui sera portée au cinéma (et fera un bide monstrueux en passant), et qui est aujourd'hui rééditée aux éditions Ankama. Une occasion de redécouvrir l'œuvre qui a propulsé Hewlett sur le devant de la scène BD, la première traduction ayant été sévèrement dessoudée par le lectorat francophone à l'époque, dans une édition qui y goupille dessins inédits, anecdotes, making-of divers et variés et planches en couleurs originelles dans certains strips.
Tank Girl prend place dans un futur post apocalyptique déjanté, univers punk dans son parti pris et son humour, où l'ont suit Rebecca Buck, alias Tank Girl, jeune donzelle turbulente qui après avoir s'être fait virer de l'armée, part vadrouiller dans le désert australien (de l'aveu de Jamie pour éviter de dessiner des villes, chez les punks, on revendique son branleurisme même au travail) au commandes d'un énorme tank surarmé (d'où le nom de la BD, suivez un petit peu) sans quête ni but : désormais, c'est le plaisir et le fun qui vont guider la jeune fille.
Culture pu..nk
Rebecca est une fille simple : elle rote, elle pête, elle fume, elle boit à outrance, baise avec un kangourou mutant qui lui sert de petit ami et elle explose la tronche de tout ce qui se met en travers de son chemin. La BD, typiquement ancrée dans son époque et son contexte, proposer un dessin et un scénario décalé qui mettent en scène la jeune punk dans divers saynètes plus ou moins reliées entre elles (souvent moins en passant).
Tank Girl est un concentré de trash et de provoc punk braillarde, ce qui fait son charme et sa répulsion. D'aucuns réceptifs au mouvement punk, depuis sa musique jusqu'à son idéologie et son influence sur les arts, seront pris par le bordel général, l'humour corrosif, incorrect et subversif, plus encore en ayant connaissance du contexte socio-culturel de la fin des 80's en Albion.
Mais en 2010, la culture punk anglaise est révolue, et pour d'autres, les tribulations anarcho-bourrines de Tank Girl
seront vite fatigantes et tomberont dans la provoc facile et désuète.
Les délires des deux auteurs sont parfois obscurs et très poussés, et il faut être calé pour saisir toutes les références à la pop culture de l'époque, depuis celles sur les personnalités anglo-saxonnes de l'époque jusqu'à celles qui tapent directement dans le cercle Deadline, et qui abondent dans les strips, sans compter la cohérence scénaristique qui s'effiloche à mesure que la BD avance.
Mais si l'on est armé de quelques notions et pas réfractaires à l'anarchie visuelle et à l'humour destroy et qu'on accepte de se faire traiter de tocard par l'héroïne dont on lit les aventures, alors Tank Girl devrait trouver sa place dans vos étagères, ne serait ce que dans vos toilettes pour vous occuper avec quelques strips fendards, à défaut des mots croisés des magazines TV et des tests sur l'équilibre psycho-sexuel tantrique de la presse féminine.
Tank Girl, d'Alan Martin et Jamie Hewlett, traduit de l’anglais par Alex Nikolavitch
Tomes 1 à 3 dispos chez Ankama Editions, 12,90 € chacun. Egalement chez eux l'artbook The Cream of Tank Girl